Texte 2 (2018-2019)
Flexibilisation du dirham : Le grand public désorienté
L’affolement des chefs d’entreprise à l’approche de la mise en œuvre de la réforme du régime de
change l’été dernier amarqué les esprits et les réserves en devises, tant la communication autour du
processus de migration n’a pas permis de dissiper les craintes. Aujourd’hui encore, beaucoup de
dirigeants n’ont pas totalement assimilé les enjeux et la réforme reste méconnue du grand public. C’est ce qui ressort d’une enquête de Synergie Etudes.
La moitié des personnes sondées n’ont aucune idée de ce qu’est la flexibilisation du dirham. Il faut dire que le
sujet est très technique. Au-delà du cercle des initiés et des professionnels, il est peu compris même chez les
personnes d’un niveau d’instruction avancé. Ceux qui le comprennent sont divisés. 18% y sont favorables alors
que 20% jugent que la réforme du régime de change du dirham n’est pas opportune. En outre, 11% des
répondants n’ont aucun avis.
Les habitants des régions de Casablanca, Rabat et Fès, en particulier les jeunes de moins de 24 ans et les seniors
de plus de 65 ans sont plus sensibles au sujet, Celui-ci divise la classe sociale À et B. Le niveau d’éducation
impacte sensiblement la compréhension du sujet. 78% des personnes sans qualification ignorent la réforme
alors que ce taux chute à 36% chez les universitaires.
Globalement, les personnes les plus instruites sont opposées à la réforme. On y est davantage dans les centres
urbains que dans le rural. Cela peut s’expliquer par le fait que ce sont surtout les classes moyennes (tranches
supérieures) qui consomment des produits importés. La communication autour de la réforme à été beaucoup
plus orientée vers les entreprises et a très peu touché le grand public.
Certes, la Banque centrale a réalisé des capsules vidéo pour faire la pédagogie auprès de la masse, mais cela n’a
pas eu beaucoup d’incidence semble-t-il. Le contenu du message est aussi discutable puisqu’il ne répond pas
réellement aux questions de la population notamment sur leur pouvoir d’achat, leur endettement.
Dans la conscience du public, la flexibilisation du dirham est assimilée à une dépréciation de la monnaie où à
une hausse des prix à la consommation. Plus de trois mois après l’élargissement de la bande de fluctuation du dirham, ces deux craintes ont été évacuées. Le dirham est resté relativement stable depuis et l’inflation s’est établie à 2% en moyenne au cours des trois premiers mois de l’année, soit proche de la cible de Bank Al-Maghrib.
Les changements introduits À ce jour sont minimes pour bouleverser le marché. Les choses pourraient être plus
fluctuantes aux étapes suivantes, Ceci dit, il faudra compter au moins dix ans pour arriver à un système dans lequel la valeur du dirham sera déterminée par le marché.
Cette perspective va faire évoluer la politique monétaire de Bank Al-Maghrib qui va adopter une politique basée sur des cibles d’inflation. Ceci entraînerait un ajustement régulier des taux d’intérêts pour atteindre les objectifs d’inflation.
Les taux d’intérêts constituent un autre canal par lequel la flexibilisation du dirham touchera les ménages. Au stade actuel, la fluctuation du dirham influence très peu la courbe des taux en raison de la faible ouverture
financière de l’économie. Le compte capital n’est pas totalement ouvert et les opérations de change doivent être
obligatoirement adossées à des actes commerciaux ou financiers. Là aussi, les autorités vont progressivement
assouplir la réglementation.
L’un des points de vigilance sera notamment l’endettement des ménages, en particulier le crédit à l’habitat qui les engage sur des durées très longue , au moins vingt ans.La dette financière des ménages totalisait 309 milliards de DH à fin 2016 (30% du PIB) dont 199 milliards de DH de crédits immobiliers.
Quoique moins forts que la période 2010-2014, les investissements des ménages dans l’immobilier restent
dynamiques soutenus par des taux d’intérêt et des prix des actifs plutôt attractifs selon les endroits et le
segment, Aujourd’hui, la structure des prêts immobiliers protège les ménages contre le risque de taux puisque
plus de 90% des crédits sont contractés à un taux fixe contre moins de 10% pour les prêts à taux variables. Il y a
dix ans, ces derniers dépassaient 30% de l’encours.